Donation déguisée et achat en couple.
Vous êtes mariés sous le régime de la séparation de bien, vous allez acquérir votre résidence principale, vos revenus sont déséquilibrés et pourtant vous souhaiteriez acquérir votre bien dans la même proportion.
Nous avons été interrogés cette semaine sur le fait de savoir si un tel mécanisme serait constitutif d’une donation déguisée entre époux.
Une donation est un acte par lequel une personne se dépouille actuellement et irrévocablement d'un bien.
Ainsi pour consacrer une donation, il faut un acte positif : un dépouillement, et il faut que celui-ci soit à la fois irrévocable et actuel.
Aussi, nous devons nous interroger sur la nature de l’écart de financement : constitue-t-il ou non un « dépouillement » ? La cour de cassation est constante sur un point, seul le titre établit la propriété. Ainsi, l’écart de financement ne pourrait en aucun cas consacrer un transfert de propriété. Il y a donc appauvrissement d’un époux au profit de l’autre.
Néanmoins nous pouvons nous interroger sur les caractères de cet appauvrissement. Est-il réalisé avec une intention libérale, et par la même est-il constitutif d’une donation ? En effet, ce transfert de valeur pourrait être la conséquence d’un mandat, d’un prêt, d’une rémunération…
L’article 214 du code civil prévoit que « Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives » et il est plus que fréquent dans les contrats de mariage en séparation de biens de retrouver cette obligation. L’écart entre le financement et la propriété pourrait donc être causé sur cette distribution des charges du ménage.
C’est en tout cas l’argument généralement avancé lors des divorces pour écarter les prétentions d’un conjoint se prétendant créancier de l’autre. La jurisprudence actuelle semble opérer une distinction entre l’apport en capital de fonds personnels et l’affectation des revenus. Le premier, à l’inverse du second, ne participerait pas de l’obligation de contribuer au charge du ménage. Dès lors, seul l’apport d’un capital serait susceptible de générer une créance entre époux, dont l’abandon actuel et irrévocable pourrait consacrer une donation déguisée entre époux, la cour de cassation précisant néanmoins s’agissant des dépenses en capital « sauf convention contraire ».
Pour conclure et pour paraphraser l’ancien directeur de la fed Alan Greenspan « Si vous avez compris ce que je viens de vous dire, c’est que je me suis probablement mal exprimé », aussi je vous invite à consulter votre notaire pour en re-disctuer et ajuster la « convention contraire » aux mieux de vos intérêts.